Un « monde d’après » sans paritarisme.

 

Juillet 2020

 

Au terme de cette année scolaire en tout point particulière, nos pensées vont aux victimes de la Covid-19, à leurs familles et à leurs proches.

 

En dépit de décennies de restrictions budgétaires qui ont fragilisé les services publics, la population française a pu mesurer la chance, en comparaison d’autres pays occidentaux, de bénéficier de tels services et d’un système de protection sociale performant et la nécessité de les préserver. Nous avons dénoncé la gestion calamiteuse de la crise et l’impréparation du pays, dont la responsabilité incombe au gouvernement actuel, mais aussi aux précédents. Nous devons reconnaître l’importance des moyens financiers déployés par l’Etat pour permettre à la population de faire face à la crise économique découlant du confinement (dispositif exceptionnel de chômage partiel, mesures de soutien aux entreprises, maintien du traitement et des indemnités des fonctionnaires etc.). Faute d’avoir disposé de protections élémentaires pour sa population et d’équipements (masques, gel hydro-alcoolique, médicaments, appareils de réanimation etc.) et n’étant plus maître de sa destinée, puisqu’elle ne les produit plus sur son sol, notre Nation va devoir, pendant de nombreuses années, supporter le coût du confinement et de la crise économique annoncée. Cela sera probablement un prétexte pour mener de nouvelles attaques contre les fonctionnaires.

 

Les professeurs, d’abord glorifiés aux côtés des autres « héros du quotidien », ont finalement été voués aux gémonies et accusés d’être des « décrocheurs », sans jamais bénéficier du soutien de leur ministre. Ils ont subi une succession d’injonctions contradictoires et ont été traités avec mépris en devant prendre connaissance des nouvelles consignes au gré des déclarations du ministre dans les médias.

 

La reconduction de Jean-Michel Blanquer au ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse élargi aux Sports est de très mauvaise augure pour la profession.

Le dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C) constitue une sous-traitance décomplexée de pans entiers de l’éducation nationale (éducation physique et sportive, arts plastiques, éducation musicale) au secteur privé et aux associations, réalisée opportunément au moment de la crise sanitaire.

La réforme des retraites d’Emmanuel Macron est une victime collatérale de l’épidémie de Covid-19. Ce ne sont malheureusement pas les nombreuses manifestations et les journées de grève qui ont permis le report sine die de la réforme. Depuis quelques semaines, le chef de l’Etat et le nouveau Premier ministre soufflent le chaud et le froid au sujet de cette réforme. Le combat n’est probablement pas terminé.

 

A compter du 1er janvier 2021, en application de la loi Dussopt dite de « transformation de la fonction publique » publiée en août 2019, les Commissions Administratives Paritaires ne seront plus compétentes pour les avancements (échelon) et les promotions (hors classe, classe exceptionnelle, échelon spécial, liste d’aptitude). Depuis le 1er janvier 2020, les Commissions Administratives Paritaires ont déjà été dessaisies de leur compétence en matière de mobilité. L’administration ne convoque plus ces commissions pour les mutations inter et intra académiques et l’affectation des TZR. L’affectation des lauréats des concours et des contractuels se fait également en dehors du contrôle des représentants des personnels. Enfin, l’administration ne convoque plus les Commissions Administratives Paritaires pour l’attribution des postes adaptés et des allègements horaires et aménagements de poste aux personnels confrontés à des difficultés de santé.

Le protocole PPCR (approuvé par le SNES et les autres syndicats de la FSU, le SGEN-CFDT et le SE-UNSA), entré en vigueur en septembre 2017, a grandement facilité la tâche au gouvernement actuel et l’application de la loi Dussopt. En effet, la suppression de la double notation administrative et pédagogique, la suppression de l’avancement d’échelon au grand choix et au choix (remplacé par un avancement à rythme unique à l’ancienneté) et la modification du barème pour la promotion à la hors classe aboutissant à un simple tableau à double entrée où tout est joué d’avance en fonction de l’appréciation finale attribuée à l’issue du troisième rendez-vous de carrière, avaient déjà transformé bon nombre de CAPA et de CAPN en simples chambres d’enregistrement.

Le président de la République, son gouvernement et la majorité parlementaire, ont également pu s’appuyer, sur ce sujet comme sur d’autres, sur le désintérêt, le fatalisme ou l’individualisme d’une grande partie de notre profession, les uns ne se sentant plus concernés, les autres ne se sentant pas encore concernés par les actes de gestion collective soumis aux commissions administratives paritaires.

Malgré les nombreuses publications des pro et des anti protocole PPCR, il avait fallu plusieurs années avant que toute la profession intègre le fait que de nouvelles grilles indiciaires étaient entrées en vigueur et qu’avaient été supprimés le rythme d’avancement d’échelon au grand choix ou au choix, le statut de bi-admissible à l’agrégation et la double notation administrative et pédagogique.

Alors que toutes les organisations syndicales ont largement communiqué, combattu et dénoncé la loi Dussopt depuis plus de deux ans, une partie non négligeable de notre profession ne s’est étrangement toujours pas informée du contenu de cette loi, notamment de la suppression du paritarisme et de ses conséquences gravissimes pour les fonctionnaires et en particulier pour les professeurs et les CPE.

 

Après communication du résultat du mouvement intra académique aux participants, l’administration n’a pas publié les informations les plus utiles, à savoir la liste des postes pourvus à l’issue du mouvement et les barres d’entrée dans les communes.

Seules les barres d’entrée départementales ont été publiées sur le site du rectorat, longtemps après la communication des résultats. Cette information n’est utile que pour une faible fraction des participants au mouvement intra académique : les entrants dans l’académie et les titulaires de l’académie souhaitant changer de département.

Dans ce contexte, inciter les participants au mouvement qui n’ont pas obtenu satisfaction à formuler un recours n’est pas sérieux, puisque ni le requérant, ni le syndicat qui l’accompagne dans sa démarche, n’ont accès aux documents concernant les autres participants.

Sans pouvoir comparer le barème du requérant aux voeux et barèmes des autres participants, il est impossible de légitimer la requête et de construire une argumentation.

Quant aux barres publiées par l’administration ou éventuellement communiquées par elle en réponse au recours, elles reposent sur des barèmes individuels, dont une partie est inexacte, qui n’ont pas été vérifiés par les représentants des personnels en amont du mouvement et qui ne peuvent pas l’être en aval (cf. article de décembre 2019).

 

Alors que les commissaires paritaires du SIES (avec ceux de certains autres syndicats) traquaient les erreurs dans les fichiers et dans les documents préparatoires fournis par l’administration en amont des CAPA, veillaient au respect des règles durant les commissions et à la transparence des opérations de gestion collective, puis informaient la profession et publiaient des comptes rendus détaillés, d’autres syndicats, très peu actifs ou inactifs dans ces commissions, promettaient - dans leurs publications au style s’approchant de plus en plus de celles de banques ou d’assurances - « d’appuyer certains dossiers en CAPA ou en CAPN », en échange d’une adhésion. Profitant de la crédulité d’une partie de la profession, notamment des jeunes collègues, ils ont cherché à « faire un dernier billet » jusqu’aux ultimes instants du paritarisme.

Ce racolage a contribué au dévoiement du paritarisme et du syndicalisme et a accentué l’individualisme   et le développement d’une forme de consumérisme syndical.

 

Au terme de cette année scolaire éprouvante, malgré les incertitudes et inquiétudes au sujet de l’éventuelle reprise de l’épidémie de Covid-19 à la rentrée scolaire ou durant l’hiver, toute l’équipe du SIES se joint à moi pour vous souhaiter d’agréables et reposantes vacances.

 

Jean-Baptiste VERNEUIL - Président du SIES

 

Lire également l'article de décembre 2019 : Mutations : la transparence des opérations et le droit des candidats à un traitement équitable sont, à compter de cette année, totalement remis en cause.

 

Lire également l'éditorial de mars 2019 : Simulacre de dialogue social et guerre éclair contre la Fonction Publique et les syndicats.

 

Lire également l'éditorial de juillet 2018 : La stratégie du gouvernement pour détruire la fonction publique, achever l’école républicaine et assujettir les professeurs.

 

Lien vers la page de notre site internet consacrée au mouvement inter académique.

 


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